Karim Djekhar ou l’histoire de l’intégration par le travail. L’ancien salarié a repris l’huilerie Saint-Michel à Menton il y a 22 ans. Aujourd’hui, il mise sur la gastronomie et le e-commerce
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Il parle beaucoup de son « papa ». Il n’est d’ailleurs pas bien loin Mahmoud, aujourd’hui paisible retraité. « Mon père est arrivé d’Algérie en 1957. Il a travaillé dans la restauration. Il a été chef cuisinier à Menton. Moi je suis arrivé en 1972 avec ma mère. Il nous a toujours dit qu’il fallait beaucoup travailler, ne rien lâcher, avoir envie de réussir et faire des études. »

Karim Djekhar a bien écouté la leçon. Il passe le bac au lycée Saint-Joseph, fait de l’informatique et de la comptabilité. « J’ai dû trouver un stage non rémunéré d’un mois pour mes études. Je suis venu voir ici, j’habitais à côté. Ils m’ont pris, et je ne suis jamais parti. »

Karim a été embauché à mi-temps puis à plein-temps par Roger Leuzzi, le patron. C’est une huilerie ancienne, à l’origine maison de gros et de détail. Elle a été fondée en 1 896 par la famille Delbecco, qui possédait un moulin dans le vallon du Careï.

Des moulins, à Menton, il n’y en a plus aujourd’hui. L’huilerie Saint-Michel s’approvisionne dans toute la région. « Je travaille avec plusieurs producteurs. Ils m’envoient des échantillons et on sélectionne. Le choix se fait à la saveur mais aussi au taux d’acidité. Il doit être inférieur à 0,1 % pour que l’huile soit vierge extra. »

Un ambassadeur nommé Colagreco

Karim Djekhar a repris l’affaire de son patron et est désormais un négociant connu. Il a bien compris que pour rester dans la course, voire se démarquer, il fallait se renouveler et faire la différence. « De l’huile d’olive il y en a partout. Moi j’ai misé sur ma rencontre avec Mauro Colagreco, le chef étoilé du Mirazur à Menton. J’ai eu le feeling avec lui parce qu’il est comme moi. Il vient de rien, du terrain. Lui d’Argentine, moi d’Algérie. On s’entend bien. »

À eux deux ils travaillent sur la mise au point d’huiles aromatisées qui font la différenceavec celles qui existent. « D’abord avec le citron de Menton. C’est une macération du fruit entier, pas un mélange. Le résultat, après de nombreux filtrages, est saisissant, car on a d’abord la saveur de l’huile d’olive, puis ensuite le citron se révèle. On a trouvé les bonnes proportions et on a breveté la fabrication. » Cette première huile, baptisée « agrume olive » a fait crier les puristes. « Au début on était montrés du doigt, on a eu des critiques des pros mais on a continué. On a créé une nouvelle saveur, citron gingembre frais. On travaille actuellement sur quelque chose de poivré. »

Mauro Colagreco est devenu l’ambassadeur dans le monde entier de ces huiles dont il se sert pour créer ses recettes.

« Il fallait sortir du classique, donner un nouvel élan. Et ça a marché. La première année de l’huile d’olive au citron, on en a vendu 2 500 bouteilles. On va se lancer dans l’exportation aux États-Unis, à Miami et Kansas City. »

Le patron de l’huilerie Saint-Michel a également « basculé » dans l’e-commerce. Mais ça, franchement ça lui faisait peur… « Je voulais un site pour que les gens nous connaissent mieux. On m’a proposé dans la foulée un site marchand. Pendant six mois ça a été la galère. Maintenant, je suis content. Je peux vendre 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et c’est bien. »

 

(Photo Eric Dulière) – La voûte de la rue Longue à Menton, au début du siècle passé. L’huilerie Saint-Michel créée en 1896, 5 rue de Bréa donne toujours sur ce petit parvis. Karim Djekhar aux côtés de son père Mahmoud, de son frère Amar et de son épouse Sylvie dans l’atelier de conditionnement. Authenticité et saveurs nouvelles, il faut miser sur tout. La « vitrine » de l’huilerie Saint-Michel, la petite boutique du Vieux Menton.

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